Jackpot pour les uns, racket pour les autres : Touring réclame que les recettes liées au parking soient 100 % affectées aux infrastructures routières
Les millions d’euros amassés chaque année par les communes de tout le pays ne sont qu’en partie destinés à l’entretien des routes et des infrastructures. Il faut que cela change, estime l’organisation.
- Publié le 18-04-2024 à 06h15
- Mis à jour le 18-04-2024 à 13h33
Dans la rue Richard Vandevelde à Schaerbeek, une petite voiture blanche au look étrange semble errer sans véritable but. Le véhicule, coiffé d’étranges engins placés sur le toit, s’engouffre dans la rue Detienne puis celle du Foyer Schaerbeekois avant de se diriger vers la chaussée de Helmet. Un détour qui n’est pourtant en rien une erreur du GPS : le conducteur de la voiture suit en réalité un itinéraire bien précis, celui qui lui permettra de passer au crible toutes les rues du quartier. Objectif : scanner toutes les plaques d’immatriculation des véhicules stationnés en voirie dans l’espoir final de dégotter ceux dont les conducteurs n’ont pas payé leur stationnement… ou ont dépassé le délai autorisé.
Bruxelles : le stationnement payant a rapporté près de 25 millions d'euros aux communes en 2022
En Belgique, de plus en plus de communes font appel à ces fameuses scan-cars dont la rentabilité n’est plus à prouver et permet d’affecter à d’autres tâches le personnel auparavant dédié au contrôle du stationnement tout en augmentant le jackpot financier. À Bruxelles par exemple, les bénéfices de stationnement sont passés de 22,72 millions d’euros en 2021 à 24,95 millions d’euros l’année suivante pour les 10 communes (elles sont 12 désormais) qui ont confié la gestion du stationnement communal à l’agence parking.brussels.
En voici les répartitions :
Anderlecht : 2,08 millions €
Berchem : 402.000 €
Evere : 719.960 €
Forest : 1,32 million €
Ganshoren : 330.000 €
Ixelles : 6,29 millions €
Jette : 1,38 million €
Koekelberg : 360.000 €
Molenbeek : 2,01 millions €
Schaerbeek : 6,32 millions €
Bruxelles n’est toutefois pas la seule à confier sa gestion à des sociétés tierces. Certaines communes flamandes et wallonnes y ont recours également. À Wavre, par exemple, la société gestionnaire du stationnement en centre-ville a permis de récupérer 1,2 million d’euros en 2023. Et à Liège, ce sont 12,2 millions € de recettes qui ont été perçues.
Touring : "100 % des revenus générés doivent être réinvestis dans les infrastructures de mobilité"
Que fait-on de tout cet argent ? Dans de nombreuses communes, cette manne financière est ensuite allouée, via un système de "pot commun", à des postes budgétaires qui n’ont rien à voir avec l’infrastructure routière : les écoles, la politique culturelle et sportive, l’environnement…
Or, bon nombre d’automobilistes estimeraient “juste” que l’argent récupéré par le stationnement soit entièrement dédié à l’entretien et l’amélioration des infrastructures routières. Hier, 92% des répondants à notre sondage estimaient la chose nécessaire. "Comme la taxe de circulation et de mise en circulation, elles étaient dédiées aux routes et autoroutes, indique Michel Bockourt. Depuis, cela va dans un pot commun, un budget fédéral où chaque ministre puise pour faire ses "chantiers" pour améliorer la Belgique, mais en pratique ce n'est pas le cas."
Albert Petit, lui, se veut laconique : "Quae Sunt Caesaris, Caesaris." Il faut rendre à César ce qui est à César. Aux automobilistes, ce qui vient des automobilistes.
C’est en tout cas la position, ferme, de Touring, l’ardent défenseur des automobilistes. “Nous estimons qu’il est impératif que 100 % des revenus générés par les redevances de stationnement et les amendes soient réinvestis dans les infrastructures de mobilité, commente Lorenzo Stefani, porte-parole de Touring. Chaque année, des millions d’euros sont collectés à travers les redevances de stationnement et les amendes dans différentes communes. Ces fonds ont le potentiel de transformer significativement la mobilité urbaine s'ils sont alloués efficacement.”
Pour Touring, qui souhaite qu’il en soit de même pour les taxe de mise en circulation, taxe de circulation et amendes routières, ces fonds devraient participer à l’amélioration globale des conditions de transport pour tous les usagers de la route. “L’amélioration des routes dans un premier temps car un meilleur entretien et développement des routes peuvent réduire les congestions, améliorer la sécurité et augmenter la satisfaction des usagers. Ensuite dans le développement de solutions de mobilité durables : investir dans des infrastructures pour véhicules électriques (NDLR : bornes de recharges, entre autres), vélos (NDLR : pistes cyclables protégées) et transports en commun peut encourager des modes de transport plus verts.”
Selon Touring, réinvestir ces fonds directement dans la mobilité assure que ceux qui paient des redevances et amendes voient les bénéfices de leurs contributions. “Nous encourageons les municipalités à veiller à ce que chaque euro collecté soit réinvesti dans des projets qui améliorent concrètement la mobilité pour tous. Cela constituerait un pas significatif vers des villes plus durables et plus agréables à vivre.”
Liège : “On investit 4,5 fois le montant des recettes dans la mobilité”
Nous n’avons pas eu beaucoup de réponses de leurs côtés. Seule Christine Defraigne, échevine des Finances à Liège, nous a répondu. Et explique que, pour 2024, pas moins de “54,4 millions d’euros (NDLR : dont une grosse partie issue de subsides ont été budgétés pour améliorer les infrastructures.” Dans la réparation des routes de la Cité Ardente mais aussi dans des infrastructures de mobilité douce comme la création de corridors vélos ou la réparation de trottoirs. “Liège est sous plan de gestion et dépend d’une circulaire qui rend impossible d’affecter directement à la mobilité les rentrées financières liées au stationnement, commente l’élue liégeoise. Tout est reversé dans une sorte de pot commun duquel sont tirés les budgets. Mais concrètement, on peut dire que Liège investit 4 fois plus d’argent dans la mobilité que ce qu’elle perçoit en recettes de stationnement.”
À Waterloo, on mise tout sur le stationnement gratuit
Aux portes de Bruxelles, Waterloo est l’une de ces communes qui résiste encore et toujours au pactole alléchant du stationnement payant. Au total, la Cité du Lion jouit de 15.000 places de stationnement accessibles gratuitement. Dont près de 2.000 dans le centre-ville. Et il n’a jamais été envisagé de passer au stationnement payant. “Notre philosophie est simple : notre but est de soutenir le commerce local, confie la bourgmestre Florence Reuter. La collaboration entre la commune et les commerces est excellente et nous avons un taux d’occupation des surfaces commerciales très élevé et ça continue d’augmenter. Cela s’explique par toute une série de facteurs et le parking gratuit en est un important. On vient de Bruxelles, du Brabant flamand, de tout le Brabant wallon pour venir faire ses courses à Waterloo. Notre commune est devenue un pôle d’attractivité. ”
Si Waterloo fait ainsi une croix sur des centaines de milliers d’euros de recettes de stationnement, c’est aussi par souci… financier. Waterloo préfère en effet avoir un centre-ville “gratuit mais dynamique” qu’un centre-ville “payant mais moribond”. Et récupère largement le manque-à-gagner par les recettes fiscales des commerces. “Les visiteurs, les commerçants, la commune,… tout le monde est gagnant”, conclut Florence Reuter.